Pulp Fiction ou le cinéma porno

Le cinéma est-il destiné au même avenir que le porno ? C’est peut-être la question que tout le monde se pose sans oser la prononcer à haute voix. Pour prouver l’incessante tourmente de l’industrie cinématographique, il n’est pas rare qu’on nous ressorte les chiffres des entrées en salle, bien en dessous de ce qui était espéré. Il s’agit là pourtant d’une évolution naturelle, en lien avec celles que vit notre société. Certains accuseront le piratage. Un coupable un peu réducteur. Le questionnement devrait être bien plus large, et s’inspirer de ce qu’a vécu ou vit encore l’industrie du porno.

Roger Ebert, célèbre critique américain, disait récemment que ses compatriotes aimaient tout autant les films qu’auparavant. Ce sont les salles de cinéma qui perdraient de leur charme.

Les désagréments d’une salle de cinéma sont nombreux. Mangeurs de popcorn, utilisateurs de téléphones portables, fumeurs, ou tout simplement un spectateur un peu trop expressif… Il y a quelques années, on ne pouvait pourtant pas y échapper. Soit on voyait un film en salle, soit on attendait la sortie DVD ou la diffusion à la télévision. C’est aujourd’hui bien différent. La VOD a changé la donne et des solutions comme Netflix ou Hulu remportent outre-Atlantique un succès bien mérité.

L’avènement de la vidéo à la demande n’est pourtant pas un scoop. Ce qui l’est davantage, c’est le succès de ces offres de VOD payantes sur les supports mobiles. Une étude indiquait cet été l’utilisation croissante de tablettes et de smartphones pour visionner des contenus. Pourquoi pas après tout ? Plus besoin d’aller au cinéma, plus besoin d’être même devant sa télé. On peut être dans son lit, dans sa salle de bain, dans l’avion ou sur la plage et avoir la possibilité de regarder un film récent.

Mais quid du confort de visionnement ? De l’écran de cinéma à l’écran de la TV, on en est maintenant réduit à des écrans de 10 pouces pour les tablettes, et moins de 5 pouces pour la majorité des téléphones intelligents. L’immersion en prend un coup. Peut-on vraiment retrouver le même plaisir à découvrir des paysages immenses ou des batailles impressionnantes sur de si petites diagonales ? Quel intérêt de détruire New York à coup d’effets spéciaux si c’est pour ne jamais voir apprécié l’effort fourni ?

Ces questions, les studios hollywoodiens se les posent probablement. Peut-être pas dans le bon sens d’ailleurs. Si le public ne va plus dans les cinémas, c’est leur business qui souffre. Pour faire des économies et ainsi ne pas trop souffrir de la baisse de forme du box-office, les majors n’ont pourtant pas diminué le nombre de trucages mais bien la quantité d’originalité. Préquels, séquels et autres remakes ont la vie belle. Pourquoi ? Pour diminuer la prise de risque et ne pas risquer un flop, tel que celui de John Carter pour Disney.

On essaie de faire revenir le public dans les salles à l’aide d’aventures épiques et de grands héros. Ce qui pourrait donner lieu à une overdose de super-héros. Pourquoi se déplacer au cinéma pour voir un énième personnage masqué sauver le monde ? Certains spectateurs recherchent autre chose.

La créativité qui a été releguée hors des studios, qu’est-elle devenue ? Certains pensent la retrouver non loin d’ici, sur Youtube, Facebook, Vimeo ou Kickstarter. Dans les courts-métrages bien sûr, mais aussi dans les nouvelles formes de narrations interactives, les webséries ou webdocumentaires. Un type de contenu bien plus adapté à la consommation sur appareils mobiles.

La boucle est bouclée. Ceux qui n’étaient pas encore passé au visionnage sur smartphone pour une question pratique ou par nécessité risque de dégainer une tablette pour trouver autre chose, quelque chose plus adapté à leurs envies que la soupe servi au ciné.

Scarlett Johansson, Keira Knightey, futures stars du porno ?

Quel rapport avec l’industrie du porno ? Les Inrocks publiait en Août un article intitulé « Et si le porno avait été inventé pour l’iPhone? » Les modes de consommation du porno ont évolué de la même manière, amenant son public du cinéma, à la télévision en passant par les vidéoclubs, pour finir sur smartphones et tablettes.

Sommes-nous condamnés à consommer des films ainsi, chacun sur un écran individuel ? C’est probable. Plus besoin d’aller s’enfermer dans une salle pour souffrir de la présence d’autres spectateurs, on peut maintenant se faire son petit plaisir n’importe où, n’importe quand. En prenant peur de sa propre disparition, Hollywood est en train de prendre un fameux raccourci. Sans sérieuse remise en question, je ne m’attendrais à rien d’autre qu’à la disparition des salles de cinéma, d’ici quelques années. Profitons-en tant qu’il en reste.


Pulp Fiction (1994) on IMDb

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