Si le film de ce billet est I, Robot, adaptation libre d’une nouvelle d’Isaac Asimov par le cinéaste de Dark City, ce n’est pour les qualités intrinsèques de l’œuvre mettant en vedette Will Smith mais plus pour l’étape marquante qu’il a été. Plus que dans les derniers James Bond, c’est dans ce film qu’on n’a pu voir la publicité envahir le cinéma. Des chaussures du héros à sa voiture, tout était sponsorisé, les marques bien visibles. Plus d’un spectateur en aura été choqué, et je fais partie de ceux-là. C’est un peu le même choc que je ressens lorsque je souhaite regarder une vidéo sur Internet et qu’on m’impose un pré-roll.
Un pré-roll, c’est une forme de placement publicitaire dans lequel la publicité apparaît avant le contenu de la vidéo qu’on souhaite regarder. On ne peut pas passer ces publicités (pas plus que celles de la télévision, notez). C’est à ce jour une des formes de publicité la plus utilisée et la plus efficace (entendre « rentable ») pour la vidéo sur le web. Et je la trouve détestable.
Je comprends parfaitement qu’il soit nécessaire, pour se voir offrir du contenu gratuit, de trouver une autre manière de financer ce contenu. Je ne suis pas surpris de l’utilisation du pré-roll qui, comme je le disais, descend logiquement du modèle de la publicité déjà mis en place à la télévision ou dans les salles de cinéma. Pourtant, croiser ce modèle sur Internet m’horripile. Le pré-roll n’est pas la solution pour la publicité pour la vidéo en ligne.
Pourquoi ce billet ? Christian Aubry et Martin Ouellette (Commun) ont récemment abordé le sujet en prônant le modèle d’un internaute mécène, solution intéressante mais peu ancrée dans les mentalités actuelles. On a pris l’habitude d’un web gratuit où tout se trouve en accès libre et, ce qui ne l’est pas, peut être obtenu par des moyens détournés. Demander à l’internaute de payer pour un contenu, c’est le mettre face à une prise de conscience, à se responsabiliser. Sommes-nous prêts à franchir le pas ?
De mon côté, pour n’en rester qu’à la publicité, j’accepte déjà mieux qu’un programme soit coupé au milieu pour me proposer un intermède commercial plutôt que de faire face à une pub dès le début. C’est bien simple, avec une publicité avant la vidéo que je veux voir, je suis décourager par le pré-roll et je ferme la fenêtre sans attendre. Au contraire, avec une publicité au milieu du contenu, j’attends impatiemment de voir la suite. Bien entendu, encore faut-il que la vidéo ait une durée suffisante pour l’interrompre. Je sens venir le génie qui aura l’idée de couper en deux une vidéo de trois minutes pour y insérer une publicité… sans commentaire.
J’ai entendu rétorquer, à l’arrivée de ce fléau (oui, je pense que les pubs en pré-roll s’apparentent à un fléau) sur un site comme celui du magazine Urbania, que les critiques qui étaient faites contre ce modèle se tariraient au fur et à mesure que le temps passerait. Je trouve pour ma part que le pré-roll existe déjà depuis suffisamment longtemps et que les critiques sont toujours là. A bon entendeur ?
Non, je n’ai pas de solution. Qu’il s’agisse de publicité en overlay, en pré-roll ou en milieu de vidéo, il n’y a pas de miracle, le modèle sera toujours bancal. Est-ce que je crois à la vidéo gratuite ? Dans une certaine mesure, oui. Hey, je suis un utopiste ! Je crois en d’autres modes de financement, comme des modèles de dons, de financements participatifs ou d’abonnements… Des modèles qu’on retrouvait déjà dans le monde artistique il y a quelques dizaines d’années. Peut-on dès aujourd’hui se passer de publicité ? Malheureusement non. Mais le jour où cela changera, je me ferai beaucoup plus de soucis pour l’avenir de la télévision face au web.