Les Incorruptibles ou filmer avec un DSLR

Hier soir, j’étais au Café Petit Campus, à Montréal, pour filmer le spectacle de poésie « The Art Of Performing Oral Sex« . Un 14 février, ça ne s’invente pas. Les curieux peuvent toujours visionner un teaser sur Youtube. Plus que le show, qui était une expérience passionnante dont je suis heureux d’avoir pu profiter, c’est le dispositif de captation dont j’aimerais parler aujourd’hui.

La production, Madpoetix, avait choisi de capter le spectacle via deux caméras, un dispositif standard, en faisant donc appel à deux vidéastes.  Le choix effectué au préalable était de filmer en HDV, ce qui convenait parfaitement à ma Sony HVR-Z1 et à moi. Surprise cependant en arrivant : l’autre vidéaste n’était pas du tout équipé de ce type de matériel mais d’un Canon EOS 7D. Oui, un appareil photo… 

The Art Of Performing Oral Sex

Certains diront que c’est plus qu’un appareil photo : le Canon 7D est effectivement un DSLR (Digital Single-Lens Reflex) capable de filmer une vidéo en Haute Définition. On trouve d’ailleurs de nombreuses personnes qui ont choisi de délaisser les caméras vidéo professionnelles, trop coûteuses, pour s’équiper de DSLR pour leur productions vidéo. Par exemple, Philip Bloom est un des premiers convertis. Il faut avouer que ses vidéos sont magnifiques.

Je suis pourtant de ceux qui pensent qu’on ne fait pas de la vidéo avec un appareil photo. « Mais puisque c’est plus qu’un appareil photo ? » me direz-vous. Effectivement, j’admets non sans regret qu’un DSLR peut être utilisé pour réaliser un court-métrage. Le format, la question du coût, la qualité obtenue… De nombreuses raisons le justifie. Dans le cas d’une captation comme hier soir ? Aucune chance. Un DSLR a déjà de nombreux désavantages lorsqu’on l’utilise pour de la vidéo, des défauts qui s’accentuent dans ce type de situation.

Lors de la soirée « The Art Of Performing Oral Sex », il avait été convenu qu’un vidéaste s’occuperait d’effectuer les plans larges tout en captant le son directement sur la console de mixage, et que l’autre se chargerait des plans rapprochés et gros plans, en avant de la scène. J’étais à l’arrière, le second vidéaste était à l’avant, son Canon EOS 7D favorisant la mobilité.

Si le talent des poètes illuminait le show, l’ambiance lumineuse de la salle était plutôt sombre. C’est ainsi qu’après une heure de spectacle, mon collègue a demandé à changer de place : le manque de lumière l’avait obligé à changer d’objectif sur son appareil, pour un autre empêchant tout zoom, et donc le laissant dans l’impossibilité de réaliser les gros plans qu’il était censé faire. Là où une caméra permet plus de versatilité, les DSLR sont souvent victimes des limites de leurs objectifs.

Autre soucis au moment du changement : j’étais branché à la console pour enregistrer le son sur ma caméra, avec une prise XLR. Le Canon 7D possède une entrée audio mini-jack, par laquelle il est possible d’enregistrer du son. Mais une limite interne empêche le Canon 7D d’enregistrer une vidéo d’une durée supérieure à quinze minutes. Il faut donc enchaîner les prises de vue. Ce qui devient problématique lorsqu’il s’agit d’enregistrer du son en continu… Le vidéaste avait heureusement sur lui un ZOOM H4, un enregistreur portable. Solution imparfaite cependant, puisqu’impliquant une resynchronisation du son avec l’image au moment d’effectuer le montage.

Lumière, son, limitation d’enregistrement… Déjà beaucoup de défauts pour le DSLR. Dernier point : le show durait plus de trois heures. Après un peu plus de deux heures et demi, mon collègue a dû arrêter de filmer, ses cartes mémoires étant pleines. Même compressée, la vidéo HD est un format très lourd. Pas étonnant qu’il ait été à court de support d’enregistrement pour un spectacle aussi long, alors qu’il me restait encore des cassettes.

Ne vous méprenez pas : le vidéaste en question était bien équipé. Trépied, batteries supplémentaires, lecteur de carte mémoire, sac et cartes mémoires additionnelles… Les sept accessoires à avoir avec son DSLR selon Scott Bourne, il les avait. Ce n’était pas non plus un manque de talent, même s’il en faut aussi pour réaliser une vidéo avec un DSLR. Certes, avec davantage d’objectifs prévues pour les situations en basse lumière et avec encore plus de cartes SD, mon collègue aurait pu s’en sortir. Mais il faut avouer qu’avec ma caméra, j’ai rencontré beaucoup moins de problème – aucun, en fait. Il s’agissait juste d’une utilisation d’un matériel non-adapté à la situation.

Outre le fait que je souhaite bonne chance au monteur qui aura à jongler entre le format HDV de mes cassettes et le AVCHD en H264 du Canon 7D, il y a une bonne leçon à tirer de cette expérience. Il faudra un jour que je nuance ma position : peut-on faire de la vidéo avec un appareil photo ? Ma foi, autant qu’avec un Kodak Zi8 ! Qu’il s’agisse d’un appareil photo, d’une caméra de poche ou d’une caméra professionnel, l’important est d’avoir le bon outil en fonction du travail à effectuer. De votre côté, selon les cas et les situations, si c’est pour filmer une entrevue, une vidéo corporative ou une conférence, portez une attention mesurée sur le matériel utilisé. Ce n’est jamais anodin.


The Untouchables (1987) on IMDb

p.s: pour la référence aux Incorruptibles, du titre : « On ne ramène pas un couteau à un duel au fusil ».

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