C’est officiel, depuis hier, Youtube propose un système de souscription à certaines chaînes, des abonnements payants pour accéder à un contenu original. Si le système n’est pas encore disponible en Europe, il pose déjà de vraies questions sur le futur de cette plateforme sur laquelle se rendent chaque jour un milliard de personnes.
Faire naître du contenu payant au beau milieu d’une manne jusque là totalement gratuite n’a rien du pari gagné d’avance. Certains diront que ce n’est pas simplement le même contenu qui deviendra payant, mais bien un nouveau contenu, de meilleure qualité. Là encore, le passé a prouvé qu’il ne suffisait pas de proposer du neuf pour attirer le chaland. Il y a quelques mois encore, Youtube faisait d’ailleurs le ménage dans les chaînes thématiques qu’ils avaient eux-mêmes financé.
Plus de revenus pour les Youtubers
Mais alors pourquoi passer à un système d’abonnement ? Quelle est la motivation première ? La presse se débat encore avec ce modèle, elle qui n’arrive pas à survivre uniquement en se basant sur des revenus publicitaires. C’est exactement la même chose avec Youtube : les vidéos sont créées par des personnes qui aimeraient aussi avoir plus d’argent pour se financer.
Youtube génère déjà de l’argent pour les créateurs, que vous le vouliez ou non, via la publicité placée avant les vidéos, en surimpression ou même à côté, au-dessus des habituelles suggestions. Mais il semble que ces mêmes créateurs souhaitaient avoir plus de flexibilité pour monétiser et distribuer leurs créations.
Ce n’est pas un cas isolé, puisque Vimeo a lancé il y a peu un système de donation, qui permets au public de récompenser les créateurs payants du site, et annonce pour bientôt une possibilité d’abonnement similaire à celle de Youtube. Deux options face à une seule, qui ne visent de toute façon pas le même public.
Rivaliser avec les ténors de la VOD
The Next Web pointe l’orientation clairement « enfants » de la majorité des chaînes pour l’instant disponibles (bientôt Sesame Street !) et note qu’il serait intéressant qu’une chaîne comme celle de Disney propose un abonnement pour retrouver en ligne tous les épisodes de leurs séries/dessins animés. Cette perspective est peut-être la vraie direction que cherche à prendre Youtube, en donnant la possibilité aux médias traditionnels et aux grands networks d’amener leur contenu là où se trouve le public.
A mon sens, il serait par exemple pertinent pour un chaîne comme HBO, qui a potentiellement beaucoup à perdre du piratage d’une série comme Games of Thrones, de pouvoir proposer un abonnement pour offrir les derniers épisodes de sa série. C’est ce type de contenu pour lequel les gens seraient prêts à payer.
Vous allez me dire que certains networks ont déjà leur propre solution de VOD, ou qu’ils peuvent passer par Hulu ou Netflix (qui ne sont pas non plus disponibles chez nous). D’une part, c’est peut-être ça que Youtube cherche à contrer : offrir une opportunité à ces chaînes d’avoir leur espace sur Youtube, plutôt que de signer un accord avec Netflix. D’autre part, le public se trouve d’abord sur Youtube avant d’être sur le site de HBO, de Tou.tv ou même, plus près de chez nous de TF1.
Surpasser la télévision et le cinéma ?
Imaginez que Showtime décide de diffuser la prochaine saison de Homeland sur une chaîne Youtube à abonnement de 5,99 euros par mois. Mondialement, la version originale sous-titrée serait disponible. C’est tout le circuit de diffusion habituel qui serait bouleversé. Et là, Eric Schmidt aurait raison : Youtube surpasserait la télévision.
Il en est autrement pour le cinéma. Youtube, tout comme Dailymotion, propose déjà de la Video On Demand payante, sur des titres ciblés, le plus souvent des films. Dailymotion propose même déjà un abonnement comme celui dont je parle pour regarder tous les épisodes de Plus Belle La Vie. C’est étrangement passé inaperçu. Des chaînes à abonnements qui diffuseront des films sont bien prévues dans le panel de partenaires de Youtube, mais je suis moins convaincu par leur potentiel succès.
Y a-t-il un marché pour les créateurs de contenu plus indépendants ? Je n’en suis pas non plus persuadé. Je ne dis pas que c’est impossible : celui qui saura trouver la bonne niche et offrir le contenu adéquat sera certainement bien accueilli. Ce sera loin d’être le cas de tout le monde. Pour les créateurs sans attaches, le système de dons de Vimeo me paraît plus approprié.
Et après ?
Pour l’heure, comme je le disais, rien n’est gagné d’avance. L’offre de chaînes reste encore pauvre et les prix sont peut-être un peu élevés pour le contenu offert. On entend déjà certains crier la mort de Youtube tel qu’on le connaît (un site gratuit), d’autres réclamer un abonnement de 10 euros par mois pour faire disparaître toute publicité du site. Ça n’a que peu de chance d’arriver, Google n’est pas si fou.
Il ne faut voir qu’une chose dans ce geste : la volonté de Youtube de ne pas se laisser distancer. Si cela peut leur permettre, par la même occasion, d’asseoir un peu plus leur hégémonie sur le web, ils ne vont certainement pas se priver.