Peur sur la ville ou Liège 13/12/11

Difficile de commencer sur ce sujet sans une pensée aux familles des victimes de ce drame qui a eu lieu à Liège le 13 décembre 2011. Pour résumer les faits, du moins ce que l’on en sait à l’heure où j’écris ces lignes, Nordine Amrani était sur le chemin du Palais de Justice de Liège pour être entendu lorsqu’il a lancé plusieurs grenades Place St Lambert. Il a ensuite tiré plusieurs coups d’une arme lourde, avant de se donner la mort.

J’étais moi-même à Liège à ce moment-là, à une cinquantaine de mètres lorsque c’est arrivé. Les vigiles du magasin le plus proche (la Fnac en l’occurrence) ont immédiatement invité le plus de gens possible à s’abriter à l’intérieur, avant de fermer le magasin. Ils ont rouvert le magasin cinq minutes plus tard, ne sachant que faire, avant de le refermer sous ordre de la police. Entre temps, j’en suis sorti et j’ai continué mon chemin, pour retourner à mon bureau.

De là, j’ai pu prendre quelques images de la police évacuant les gens des rues les plus proches, ceci par précaution. Ces images, je les ai immédiatement publiées sur Youtube, et elles ont depuis été reprises par tous les médias Belges, et par d’autres Français, Anglais, Russes, Américains…

Pourquoi j’ai pris ces images ?

Quand on est dans la rue et que des détonations éclatent (et il était difficile de se méprendre quant à leur nature de l’endroit où je me trouvais), on ne sort pas sa caméra pour filmer. Si vous vous trouvez dans pareil cas, ne commencez pas à filmer. Mettez-vous à l’abri.

Ce n’est que plusieurs dizaines de minutes plus tard, une fois réfugié dans mon bureau, que j’ai pensé à prendre des images. Pour quel usage ? Je ne suis pas forcément fan du concept de « journaliste citoyen », mais il était pour moi clair qu’il fallait garder une trace de ce drame, ne serait-ce que pour s’en souvenir.

Pourquoi les diffuser sur Youtube ?

Après les avoir uploadée sur Youtube et les avoir relayée par Twitter, j’ai été contacté par la BBC via Youtube, une agence de presse, CNN sur Twitter et d’autres médias internationaux. Ceux-ci demandaient à pouvoir utiliser mes images. Vous vous posez sans doute la question : ai-je penser à leur vendre ?

Quand j’ai publié ces images sur Youtube, j’ai choisi non pas la licence standard mais une licence Creative Commons permettant la réutilisation et la modification de ma vidéo à condition d’indiquer sa paternité. Si la presse étrangère n’a eu aucun problème avec ce concept, on ne peut pas vraiment en dire de même pour celle Belge et Française. Je n’ai eu aucun contact avec la RTBF, la Meuse, l’Avenir ou Le Monde, qui utilisaient mes images une heure après leurs mises en ligne.

Je ne fais pas ici leur procès, je note juste une différence d’usage. La presse étrangère a déjà eu des soucis à ce niveau et s’est habituée à respecter les règles. La presse européenne (sans vouloir caricaturer) a moins d’expérience et ferait bien de se former à la nétiquette, pour reprendre un concept encore plus ancien.

Quel avenir pour ces images ?

Une fois la frénésie médiatique passée, il est probable que ces images restent sur mon compte Youtube sans autre activité inhabituelle.

Ce à quoi je ne m’attendais pas, c’est à l’avalanche de commentaires qui est rapidement apparue à la suite de la vidéo. J’ai l’habitude de laisser les commentaires en libre publication sur Youtube, mais j’ai dû bien rapidement revoir ma politique, tant je trouvais certains commentaires déplacés de par la haine qu’ils exprimaient.

Je suis donc passé à l’acceptation des commentaires après modération. De nombreux commentaires étant dans une langue que je ne parle pas, il me fallait de toute façon les traduire pour être sûr de leur teneur. Certains appelleront cela « censure » et j’avouerais ne pas appliquer le principe de libre expression. Internet est bien assez grand pour qu’on ne vienne pas associer des propos violents à quelque chose dont je suis l’auteur.

Pourquoi laisser les commentaires ouverts alors ? J’ai été passablement étonné du nombre important de personnes venant partager leur sympathie pour les victimes, leurs familles et les habitants de Liège. Une solidarité bienvenue qui, si cette page Youtube peut constituer un espace où l’exprimer, vaut à elle seule d’avoir sorti ma caméra en ce 13 décembre.

1 comment
  1. Depuis mon bureau, j’avais une vue plongeante sur le chaos qui régnait devant l’îlot St Michel.
    J’étais sur Twitter, j’ai relayé des infos que mes collègues avaient vécu (une fusillade, une évacuation,…)
    J’ai aussi relayé ce que je voyais (des mouvements de foules, des ambulances…)
    Je me suis posé la question des images… J’aurai pu faire une vidéo ou une photo, mon angle de vue était « assez bon » mais n’apportait rien de neuf.
    J’ai fait le choix de ne pas en faire… peut-être par pudeur, je ne sais pas trop. Finalement je ne le regrette pas, mais je ne blâme pas pour autant ceux qui en ont pris et diffusé.

    Je suis par contre assez choqué par l’attitude de nombreux journalistes. En effet, s’il faut constater que les réseaux sociaux ont été une énorme caisse de résonance aux rumeurs, les journalistes en relayant la moindre information y ont lourdement contribué également.
    J’ai plusieurs fois retweeté des informations relayées par les journaux. En effet, j’imaginais que les journalistes, dehors, vérifiaient un minimum leurs sources avant de les relayer.
    Non il semble que le seul emploi du conditionnel les autorise à répandre n’importe quelle rumeur. Et leur arrogance est telle, qu’une fois l’information éclaircie par les sources officielles, il ne leur restait plus qu’à mettre par terre l’homme de la rue qui a simplement essayé de contribuer (avec bonne ou mauvaise intention?) à « l’information sociale »…

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